Dominique Cardon est sociologue au Laboratoire des usages de France Télécom R&D et chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux de l’École des Hautes Études en Sciences sociales (CEMS/EHESS).
Conférence et débat le jeudi 22 octobre 2009



Notes prises au cours de l’intervention [R. Kerdreux, F. Entrialgo] :
1. Web 2.0 dit des réseaux sociaux participatifs. Proposition de typologie.
Une dualité définissant le web 2.0 par rapport au web 1.x : les listes vs les circuits.
Circuits :
– mach up – API ouvertes (ex google maps, flickr), pas toujours opensource mais les documents sont extractibles et ouverts pour circuler sur un autre document
– folksonomy ( par opposition à la taxinomie) : nuages de tags publics (l’inverse de l’arborescence), une hiérarchie sans « chef » par addition
Cela pose deux questions sociologiques
– Identités multiples : renforce l’idée que nous sommes plusieurs personnes à la fois, que différentes facettes se distribuent dans les individus (c’est un trait contemporain qui fait débat bien qu’il s’agisse d’une banalité sociologique). Sur internet, on n’a pas toujours envie d’être soi-même. Cette vision s’oppose à la vision des « ingénieurs » qui souhaitent attribuer une identité unique à l’usager pour lui simplifier la vie en regard de la multiplicité des plates-formes, des mots de passe… Or, les usagers s’accommodent assez bien de cette multiplicité.
– Design de la visibilité : les plate-formes sociales produisent des espaces de visibilité spécifiques de la forme de moi : qu’est-ce que je montre / comment suis-je montré ? (cf. Danah Boyd).
Il existe sur le web 2 processus d’individualisation :
– la subjectivation (curseur situé sur une échelle entre faire et être) : la reconnaissance de notre identité par les autres s’appuie davantage sur les gestes que l’on fait que par des caractéristiques de naissance (sexe, âge) ou des qualités dites « incorporées » (diplômes, destin professionnel). Des qualités des qualités plus mobiles (publication d’un texte, participation à une manifestation) sont identifiées et valorisées sur le web 2.0.
– processus de simulation (curseur situé sur une échelle entre réel et projeté) : opposition du réel et du simulé (envie d’être authentique, d’être reconnu comme ce que l’on est, mais aussi envie de projeter une image fictive – un potentiel / virtuel). Les raisons de « tricher » sont toujours bonnes (cf sites de rencontre). Projette l’engagement d’un futur qui est un projet de vie, de transformation de sa propre personne.
Proposition de taxinomie des sites de réseaux sociaux participatifs à partir des catégories identitaires repérées :
– plates-formes « paravent » (sites de rencontre comme meetic / rezog / ultum) : identité civile (sexe, âge et caractéristiques physiques). Critique : réification de l’individu.
– plates-formes en « clair-obscur » (skyblog, livejournal, cyworld, friendster, facebook) : identité narrative. Récit du quotidien à un public limité, que l’on connaît, et que l’on voit dans la vie réelle. Usagers souvent adolescents, excluant énergiquement parents et professeurs, réseaux très connecté, trés éclairé pour peu de monde.
– plates-formes « phares » (mySpace) : en réaction aux plates-formes en « clair-obscur » (les usagers de friendster créent des « fakesters » célèbres dont tout le monde est ami pour élargir le cercle trop restreint des proches). Sur MySpace, tout le monde voit tout le monde en étant ami avec Tom le fondateur. Les contenus sont différents, on ne montre plus la même choses : valorisation des pratiques amateurs (la photo est devenue sur Flickr un sujet de conversation. La production amateur devient un moyen de rencontrer des gens en signalant des intérêts expressifs de ces individus) évolution en site musical.
– Post-it : twitter, peuplade
– Lanterna magica (wow, Second Life) : identité virtuelle, avatar.
Le web n’est pas un espace public complètement transparent ouvert et avec les mêmes niveaux de visibilité partout. Cette plasticité est ce qui fait son intérêt. Un des grands risques du web est de devenir complètement transparent, qu’il n’y ait plus de zones d’ombres (que les moteurs de recherche puissent tout trouver)
Vocabulaire :
« bonding » : liens dans le réel poursuivis dans le réseau social
« bridging » : liens faibles dans le monde réel élargis dans le monde du réseau social (comment se montrer attirant pour les autres)
On peut constater des stratégies de l’exposition selon quatre types de représentation de soi :
– exposition traditionnelle : images rituelles classiques
– impudeur, corporelle : sexe, nudité
– exhib : la vie plus théâtralisée
– trash : mise en danger du corps
2. La sociologie des liens sociaux repose sur un rapport de fréquence et d’intimité
Liens forts coté intimité, peu de distance avec l’énonciateur, conversations quotidiennes, comme si le contenu du statut n’autorisait que certains (les proches) à intervenir.
Liens faibles à l’inverse, grande distance avec l’énonciateur, fil relationnel ditendu. Permet des échanges informationnels qui circulent largement dans le réseau. Liens plus intéressants parce que concernent des gens moins connus et un groupe plus large.

Dominique Cardon, Le design de la visibilite un essai de typologie du web 2.0
Le web 2.0 travaille sur les liens distendus, latents et/ou contextuels [facebook ou les copains d’avant] donc élargit les relations ou laisse existants les liens faibles
– les SMS concernent les liens affectifs très proches et fréquents
– les mobiles les liens affectifs et contextuels
Petites conversations : conversations familières et quotidiennes sans distanciation entre le sujet (moi) et l’objet de la conversation. Les autres ne se sentent pas autorisés à intervenir
Grandes conversations : si il y a distanciation, alors les liens plus éloignés se sentent autorisés à intervenir
Hypothèse : faire une application facebook en forme de jeu pour faire un lien entre la nature de la conversation et la dimension du réseau relationnel
> Questions liées au design de l’information :
[cf design des graphes des réseaux sociaux]
–> remplacer la liste d’amis (forme non adaptée) par d’autres outils de représentation – tags lines
–> comment représenter le circulation et l’articulation des informations
–> visualisation des tout petits signaux (ex nombre de contributeurs dans les articles de wikipedia)
Les réseaux sociaux, à quoi ça sert ?
– à rendre la vie plus exitante
– à être narcissique (s’exposer pour être reconnu)
pour le modèle « vie d’artistes », à gérer une superposition imbrication entre vie professionnelle et vie privée
– à étendre son cercle de relationnel
– enjeu de reconnaissance
– information
3. Géolocalisation (living maps)
Notion de « carte vivante », passage d’une société du plan à une société de la carte.
nb : société du plan, y compris dans la dimension planification des taches
Ex1 : Foocamp / barcamp
Ex2 : manif / flashmob
Ex3 : site de rencontres / speeddating
Ex4 : agenda / planning Google
–> crise de la temporalité, de la planification
–> autres formes de réseaux et surtout de coordination qui induisent une préférence pour le présent, préservent la liberté de choix, produisent des opportunités relationnelles.
La carte permet de visualiser l’information sur les autres en temps réel.
3 types de cartographie émergent :
– république : prend vraiment un flux de toute la population où tout le monde copte avec la même voix, pas d’identification.
Ex. Urban mobs : la récupération des données pose de gros problèmes juridiques. Stratégies consiste à en faire un truc vaguement esthétique.
– tribus : des personnes similaires connues ou inconnues de vous. Je sais, dans une ville, sur une carte, où sont les jeunes, ou sont les riches… La demande existe.
enjeu politique de resectorisation des villes. pb politiques : segmentation, zonage…
Sense network.
– amis (aka aki)
Référence :
Dominique Cardon, Le Design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0.